DMAJ 21/06/2001

Roue à pales droites,
à aubes planes,
à palettes, à ailes, à palons, roue en-dessous...
 

Le plus ancien type de moteur à eau d'axe horizontal fabriqué par l'homme pour les besoins de ses industries. Longtemps préférées pour leur simplicité et leur robustesse, les roues à pales droites furent d'un usage quasi général dans beaucoup de régions. C'est l'archétype de la roue à eau, et la roue typique des forges. Les fameuses "roues à aubes" en font partie, de même que les curieuses roues "pendantes" (Jura, Doubs). Installées le plus souvent sur une faible chute, de l'ordre du mètre,  avec un fort passage d'eau.
Faites d'une roue en forte charpenterie à la périphérie de laquelle sont fixées des pales droites,  alimentée par dessous et tournant ajustée au plus près dans un "coursier" en maçonnerie ou en bois. 
L'effet utile ou rendement est faible, moins de 40 %, car il y a beaucoup de pertes : par le choc de l'eau, et par le manque de précision de l'ajustement dans le coursier. Ces roues tournent sous le poids de la masse d'eau en mouvement ou entraînées par un violent courant forcé de passer dans le coursier. On les classe dans la catégorie des roues dites "en-dessous".
Les élèves de la S.E.S. du Collège de Montbard en ont reconstruit une pour le Musée des Forges de Buffon (Bourgogne).
 

Mais dans les les Pyrénées, les Cévennes et de l'autre coté des Alpes ce modèle fut employé sous des chutes de 3 à 5 mètres sous les noms de roues à trompe, roues à cannelle, comme les roues à palettes des forges à la Catalane (on en trouve aussi dans l'Italie du nord). 
Dans ce cas on a privilégié la vitesse et le choc de l'eau : La cannelle est une trompe, mise en charge sous une huche, qui projette l'eau violemment sur les pales. En Savoie on donnait une grande vitesse à l'eau par la forte pente de la goulotte descendant sur la roue.
 

Roues à aubes

 Elles tournent lentement, sous l'appui de l'eau forcée de passer dans un  coursier courbe placé au plus près contre la roue, y entraînant les pales de la roue.
Ou parfois simplement installées sans coursier à l'endroit du plus fort courant d'une rivière : roues à aubes, roues pendantes, roues des moulins à nef.


 


 
 
 
 
 
 
 

Roue à pales droites, ou palettes, 
Forges de Buffon (Bourgogne) 





















"...le plus grand effet des roues à aubes a lieu quand la vitesse de ces aubes est la moitié de celle du courant, et le plus grand effet est égal à la moitié de la force vive du fluide (NDLC : rendement maxi ou effet =~ 50%)" 

Biblio : BORGNIS, Théorie de la Mécanique appliquée aux Arts. 1819.
 
 

Une amélioration à leur médiocre rendement fut apportée avec l'inclinaison des pales ou avec des pales brisées,  l'amorce d'une évolution vers les roues à aubes courbes. (NDA : complément à venir)
 
 
 

 

ROUES A PALETTES A GRANDE VITESSE

Une variante des roues à pales droites a son alimentation à la partie inférieure de la roue par un chêneau ouvert. 
Dans ce cas l'eau agit par la  vitesse acquise par la forte pente donnée au chêneau, elle n'est pas sous pression comme c'est le cas dans la roue catalane, mais son effet est assez violent. 
Le but poursuivi était l'accroissement de vitesse de rotation. Les dessins manquent hélas dans les archives  de Savoie pour connaître les détails de leur construction...
C'est le moteur typique des forges "à la catalane" et des forges bergamasques :  une roue à pales droites fichées dans un moyeu, généralement fait de bois fretté de fer, mais on en trouve avec des moyeux de pierre dans le nord de l'Italie, ou en fonte dans le sud-ouest de la France. 

Roues de forge bergamasque en Savoie
Roue des forges de Savoie
"à la bergamasque"



Les ingénieurs hydrauliciens du XVIIIe siècle parlent du choc de l'eau, et des pertes conséquentes... Sans parler déjà de turbine ça n'est pas sans rappeler (de loin) une roue Pelton. Par analogie aux turbines on peut dire que ces  roues tournant sous le  choc de l'eau sont des roues à action ou à impulsion. C'est la même roue que le rouet horizontal dit "nordique" ou "norois" des moulins rustiques de certaines régions (comme celles qu'on trouvait dans la Vallée des Belleville en Savoie), mais avec une autre configuration, avec un axe qui de vertical devient horizontal. 
 

Extraits

"... Dans les usines à fer de Savoie...les martinets sont entrainés par une roue en bois pleine de 1m50 de diamètre, portant 16 palettes de 0,30 x 0,30, un canal de même largeur et presque vertical l'alimente. Ces roues tournent très vite et s'arrêtent court lorsqu'on abaisse la vanne, avantage que n'ont pas les roues à augets pourtant préférables par ailleurs pour leur rendement..." 
(LELIVEC DE TREZURIN. " Mémoire sur les mines de fer et les forges du département du Mont Blanc". Journal des Mines, AN XIII Brumaire - vol. 17, p. 139.)

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"...Affinage de la gueuse. Le creuset des fourneaux d'affinage est doublé de plaques de fonte : c'est un quadrilatère dont les cotés varient de 60 à 70 centimètres, et dont la profondeur est de 55. Le vent est ici fourni par des trompes aussi bien que dans les fonderies ; la tuyère est placée presque horizontalement vers le haut du creuset, et déborde dans l'intérieur de 15 centimètres. Le gros marteau est en fer aciéré à la panne; il ne pèse que 12 myriagrammes ; son manche, long de 3 mètres, est suspendu au tiers de sa longueur sur des tourillons. Il est soulevé par quatre morceaux de fer implantés dans un arbre horizontal, et qui viennent successivement appuyer sur sa queue. Cet arbre porte à une de ses extrémités une roue en bois pleine, ayant un mètre et demi seulement de diamètre, sur la circonférence de laquelle sont implantées seize palettes plates, de 30 centimètres de coté. L'eau motrice est amenée sur les palettes par un canal de même largeur qu'elles, et presque vertical. Ces roues tournent très vite, et s'arrêtent tout court lorsqu'on baisse la vanne..." 
(Préfet VERNEILH, Statistique générale de la France, Département du Mont Blanc, 1807.)
 
 

                     Roues et trompes de forge "à la bergamasque" , XVIIIe s. (Savoie) 

C'est une roue à palettes "à grande vitesse", se mouvant dans un coursier courbe, ou réatier. Son rendement n'excédait guère les 40%, mais comme les maîtres de forge  choisissaient des rivières à fort débit pour leurs usines ce n'était  pas d'une grande gêne ... Ce qui leur importait c'était surtout d'augmenter la vitesse d'arbre du martinet pour obtenir de plus grandes cadences de frappe, et plus d'énergie avec des marteaux plus lourds. Peu importe les moyens et la gabegie d'eau car on en avait à revendre.
De telles roues  équipaient  les martinets d'affinerie des haut fourneaux de Savoie, comme aux Aillons (Bauges)  ou encore aux Forges de Saint Hélène des Millières, au XIXe siècle et en bien d'autres endroits : c'est l'archétype de moteur des forges même encore à l'aube du XIXe siècle. On trouve encore de telles roues en Piémont, faites avec un moyeu de pierre  dans lesquelles sont taillées des encoches où sont fichées des pales en bois.
Un chenal en bois conduit l'eau jusqu'au dessus des roues et des trompes, d'où part la gassière qui descend presque à la verticale sur les pales de la roue. Une gassière ou gachière est un cheneau ou goulotte en bois ouverte sur le dessus. La forte pente donne une grande vitesse à l'eau.
 

 

Roue à trompe, 
à cannelle, ou des forges catalanes
L'alimentation en eau est faite sous pression : Terminant le canal d'amenée, une bâche ou huche, construite en bois avec des 
renforts ou en tôle de fer,  met en charge, de la hauteur de la chute d'eau, une trompe (buse en forme de pyramide allongée) : c'est la cannelle, qui se termine par l'ajutage : pincement ou resserrement du conduit produisant un jet puissant au plus près des pales. Une vanne actionnée à distance permet à l'aide-forgeron d'ouvrir le passage à l'eau  qui va être violemment projetée à la partie inférieure de la roue et la faire tourner. Dans une autre version  l'eau est projetée sur le quart supérieur de la roue et non sur le quart inférieur. Le sens de rotation est alors l'inverse des précédentes. 

 
 
 


Roue "à cannelle", d'un martinet 
à cuivre - Forge de Durfort


 
 
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