Forges...
Des
premières fabrications du fer on sait qu'il pouvait être d'origine
météoritique, puis de cueillette de nodules d'oxydes métalliques
jadis déposés au fond des mers et mis à jour par l'érosion.
Leur couleur ocre foncé et le fait d'être pesants ne pouvant
pas manquer d'attirer l'attention des premiers métallurgistes. Les
bas fourneaux étaient des constructions éphémères
faites de glaise ou de pierre sur les lieux même des gîtes
ferreux. Le forgeage fait "à bras" avec un outillage naissant.
.... martinets (ou moulins à fer)Apparition des "martinets" en Savoie et en Dauphiné Au Moyen Âge, vers le (XII*) XIIIe siècle , le travail du fer s'est mécanisé avec l'apparition en Savoie et Dauphiné des martinets - ce qu'on nommera "moulins, moulines à fer " dans le sud-ouest - qui souvent réutilisaient l'emplacement d'un moulin existant pour bénéficier d'une force hydraulique éprouvée. Le travail enfin rendu moins pénible avec la mise en oeuvre de l'énergie de l'eau, cela va permettre d'augmenter la taille des fours, puisqu'on aura bientôt une ventilation mécanique plus régulière et plus efficace, donc une production accrue. A ce stade, se nomme "martinet" un établissement installé sur un cours d'eau, où, à partir de minerai on fabrique du fer au bas fourneau, un marteau mu par l'eau servant à épurer le résultat de la réduction du minerai. ( * les chercheurs ne s'accordant pas sur le XIIe siècle, il reste prudent de dire "au XIII e"..) Les "martinettes de ferratière", ou "martinettes" sont d'abord de petits etablissements utilisant de petites roues à palettes de 1m à 1m30 de diamètre entrainant un marteau léger, dans lequel on forge et répare les outils aratoires. Le pays comptait 70 martinettes en 1812 (Etat des martinettes du Département du Mont- Blanc), Ces martinettes n'avaient qu'une activité saisonnière, hors du gel, l'été pour la réparation des outils aratoires. Plus tard cela deviendra de petites usines fabriquant les outils taillants, la clinquaille. C'est ce qu'on nommera les taillanderies. Vers la fin du XVIe siècle, ces établissements ont gagné en importance, et on sait y faire l'acier directement par décarburation au bas fourneau. La Savoie, de pauvre condition, va tirer bénéfice du passage de métallurgistes chevronnés mandés de la Province de Bergame - dans l'actuelle Italie du nord - vers le Dauphiné.
Au
cours des siècles le vocabulaire courant glissera sans arrêt
sur "martinet", mot à la signification fluctuante ; la définition
première est celle de "marteau mu par l'eau".
"Martinette de ferratière" ou "martinette" désignant alors une taillanderie, usine à fer utilisant principalement comme machine-outil un ou plusieurs martinets... Il
n'est pas toujours facile de s'y retrouver quand sur un même site
se trouvaient souvent côte à côte : haut fourneau (fonderie),
affinerie, grosse forge, taillanderie, et aciérie.
Si
l'on
part sur l'hypothèse de l'achat d'un minerai prêt à
l'emploi, c'est à dire trié, grillé, lavé dans
les diverses installations de la mine : patouillet,
boccard,
lavoir, halde,
regraine,
four
à griller... (à ce stade je fais grâce du jargon
pour nommer le personnel et son travail...)
Une
Forge (au XVIIIe s.) c'est donc, regroupés
en un même lieu, un haut fourneau, et une (forge d') affinerie, et
une (forge de) taillanderie, et dont il faut encore détailler la
composition en artifices utilisés :
Le haut fourneau, ou fonderie : Une coulée de gueuse avait lieu tous les deux ans, ou plus, et entre temps il fallait refaire du charbon de bois et du minerai. Le produit fini se présentait sous forme de longues barres de fonte de section triangulaire : les gueuses.Le haut fourneau, de type bergamasque en Savoie jusqu'au XVIIIe, Le
chargement du haut fourneau se faisait par le haut.
Le personnel : La forge d'affinerie, ou affinerie, ou "martinet" qui comprend : Le produit fini est le fer brut sous forme de lingots, massots, qui partent vers les "grosses forges" et les aciéries.- fourneau d'affinerie (on parle des feux d'affinerie) pour décarburer la gueuse.
La grosse forge : Les produits de la grosse forge c'est le "fer marchand" : tôles, massots, lopins, qui partent vers les taillanderies, les armureries, fenderies, tréfileries, etc.- fourneaux La taillanderie, ou martinette : - la forge (four) Mais à coté de cela il peut y avoir aussi des affineries qui traitent la gueuse en provenance d'autres établissements ; et qui peuvent aussi fabriquer de la taillanderie dans une annexe. (simple non ?)
La
production va progressivement se diversifier et se spécialiser :
fonderies, affineries, grosses forges restant groupées, mais fournissant
: fenderies, tréfileries, fonderies, aciéries, taillanderies,
épéeries, forges maréchales, marchands de fer, "clinquailleries"
A l'usage,
les synonymes "martinet, forge, fusine, fourneau" sont devenus des
toponymes
pour désigner des lieux liés à une activité
métallurgique. Près
d'Orelle on trouve un lieu-dit Fusine, toponyme d'origine italienne
indiquant qu'il y avait là une fonderie.
Forgeron (lat : ferrarius, faber ; vieux fr.: ferrolier) : On pense immédiatement au plus proche de nous, le maréchal ferrant, qui forgeait et posait les fers des chevaux (on ferrait aussi les bœufs de trait), et il entretenait les outils, les charrues, la serrurerie. Son outillage comprenait la forge, un soufflet de cuir, (plus tard un ventilateur de forge), une enclume, des pinces, des marteaux, et des bacs pour la trempe. Mais si l'on remonte dans l'histoire, le forgeron a été un initié qui maîtrisait les processus de fabrication du fer depuis le minerai jusqu'à l'objet fini. On attribuait aux forgerons des pouvoirs occultes : ils pouvaient tenir le rôle de sorcier, de rebouteux. "on
dit souvent du métier de forgeron qu'il se vole avec les yeux".
Forge : (fabrique, fabrica , faverge, faurie) : La
forge est le foyer, ou le four, où le forgeron chauffe la matière
à forger. Forger c'est travailler au marteau une pièce de
métal rougi au feu de la forge. Désigne aussi l'ensemble
des Arts du fer et du feu, et l'endroit où ils se pratiquent. On
emploie "forge" ou "martinet" pour désigner une "affinerie" ou une
"grosse forge A ces subtilités du jargon s'ajoute la distinction
à faire entre différents types d'établissements ;
en effet sur les mêmes sites se trouvaient rassemblés côte
à côte : haut fourneau, fonderie, affinerie, grosse forge
et taillanderie ; constituant de véritables complexes industriels.
Les forges s'implantaient la plupart du temps non loin des "minières",
et de forêts pouvant fournir le charbon de bois, mais surtout : sur
un cours d'eau à fort débit. Voir des toponymes évocateurs
(et synonymes) comme : fusine, martinet, fourneaux, fabrique, faverge.
Taillandier (franco-prov. : ferratier) : C'est
un forgeron qui fabrique des outils tranchants, ou taillants, à
partir de barres d'acier dans la forge de taillanderie. Son travail consistait
a forger au martinet les lopins (ou des ébauches) préalablement
chauffés dans un four (900-1200°C) pour réaliser la pièce
désirée. Le travail se fait en une succession d'étapes,
du lopin à l'outil fini, par plusieurs "chaudes" (passages au four),
et autant de séquences différentes de martelage, réalisant
chacune une opération bien définie.
Taillanderie : Fabrique
d'outils aratoires et "taillants", tout ce qu'on nommait la "taillanderie"
: pelles, bêches, socs et versoirs de charrue, haches, et la quincaillerie.
Et aussi des pièces pour les moulins, la charpente. Utilisant un
martinet, gros marteau animé par des cames entraînées
par une roue à eau. (ces martinets sont souvent doubles, et l'on
parle alors de "batterie", et les têtes ont des masses de 50 à
300 kg). En Savoie, on trouvait ces petits ateliers artisanaux jusque dans
des contrées reculées : Maurienne, Tarentaise, Bauges, et
au voisinage de la sidérurgie savoyarde et de ses minières
(Les Hurtières, La Praz, Fourneaux). 70 martinettes inventoriées
en 1812. Le XIXe siècle connut un essor des taillanderies
: on en comptait plus de 100, avec une forte concentration dans le canton
de La Rochette (pays de tradition métallurgique : mines de la vallée
de l'Huile, au voisinage immédiat de l'autre sphère métallurgique
: le Pays d'Allevard en Dauphiné). Plus tard, en 1931, on dénombrait
encore en Savoie : 22 taillandiers, 7 fabricants de charrues, 8 commerces
d'outils agricoles. Après la première guerre mondiale, les
centrales électriques barrant peu à peu le moindre torrent
de montagne ; les taillanderies furent contraintes de se moderniser (celles
qui le purent) en remplaçant les martinets en bois du XIXe par des
martinets américains à moteur électrique. Beaucoup
d'anciens martinets ont ainsi disparu, sauf quelques uns qui sont parvenus
jusqu'à nous. Recouverts de bric-à-brac et de toiles d'araignées,
de beaux vestiges demeurent dans l'ombre d'ateliers centenaires, tombés
dans un oubli qui les a sauvé de la démolition.
(casserie
: pour l'anecdote, j'ai trouvé ce mot assez joli pour qu'il mérite
une explication. Dans une casserie on fabrique des casses, ce sont
des poëlons en fer battu, d'où nos casseroles. )
Les éléments de la métallurgie XV-XIXe siècles (graphique)
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