"Eh ! Durendal,
comme tu es belle
! et claire ! et blanche !
Au soleil comme tu
luis et brilles
!
Charles
était aux vaux
de Maurienne, quand du ciel Dieu lui manda par son ange de te donner
à
un comte capitaine"
(Chanson de Roland, XIe siècle) |
Les
"minières" de Savoie
...le site le
plus célèbre...
Saint -Georges - d'Hurtières, où "depuis la nuit des
temps"
on exploita la chalcopyrite et la sidérite... |
Le minerai a
été
primitivement le fruit de la cueillette de mine
douce en surface, sur les ferrières, ces emplacements
situés à même le gisement où le minerai
subissait
plusieurs opérations destinées à le purifier. Il
n'est
pas rare de rencontrer des toponymes qui témoignent de ces
anciennes
activités.
Plus tard on
exploitera la
sidérite, dès le XIIIe siècle, dans des fosses
et en galeries aux plans anarchiques (ancien droit des paysans à
prélever du minerai en sous sol),
on faisait
éclater
la roche au feu puis on creusait au pic, plus tard la poudre
noire
permettra d'augmenter considérablement l'avancement ; la main
d'oeuvre
étant constituée principalement de paysans pour qui ce
n'était
qu'un revenu de morte saison, et aussi de jeunes enfants chargés
de sortir le minerai dans des paniers ou des charriots . Au Moyen Age,
les moines métallurgistes de la Chartreuse de Saint-Hugon
(Savoie)
exploitaient des mines en Pays d'Allevard (France) pour alimenter leurs
usines à fer situées en France et en Savoie.
La mine douce
:
C'est le tout premier
minerai
ayant été exploité : Aux affleurements, la
siderite
a été altérée sous l'action de l'eau et de
l'oxygène pour donner un matériau tendre de couleur brun
noirâtre ; le carbonate de fer (siderite) a été
transformé
en peroxyde de fer. Cette "mine douce" était fort
apprécié
des premiers métallurgistes parce que riche et facile à
fondre.
Le terme "mine" désigna d'abord la mine
douce,
et ensuite la siderite, extraite du sous sol dans des fosses puis en
galerie,
lorsque les affleurements de mine douce furent épuisés
Une
ferrière
:
Le produit extrait par
les
mineurs est d'abord stocké sur la regraine,
où s'effectue un premier triage à la main (par les
enfants
et les femmes des mineurs), les matériaux rejetés
s'entassant
sur la halde. . La sidérite
des Hurtières est voisine de filons de chalcopyrite, le tout
veiné
de quartz. Un stockage de plusieurs années en regraine
permettait
au minerai de plus ou moins perdre son soufre, élément
impropre
à la fabrication du fer : Le soufre de la pyrite s'oxyde et
forme
des sulfates solubles que l'eau de pluie évacue). Mais il
n'est pas sûr que l'oxyde de cuivre formé à cette
occasion
soit soluble, et donc que le cuivre mélé au minerai des
Hurtières
ait pu être éliminé de cette façon...
A cette même
place se
trouvaient les stockages de charbon
de bois
pour les fours à griller
où
les mineurs cuisaient la sidérite pour l'enrichir.
A proximité on
trouvait
aussi des bas fourneaux
où
l'on opérait la réduction pour obtenir la loupe, puis par
martelage de celle-ci : le fer.
Quand
les gîtes superficiels - ceux de la Chaîne de l'Epine, Mont
Peney, Chartreuse, massif des Bauges, et de bien d'autres endroits
-
furent épuisés, on se tourna vers la Chaîne de
Belledonne,
la vallée des Huiles où un haut fourneau à gueuse
fut en activité jusque fin XVIIIe siècle au Bourget, et
vers
la chaîne des Hurtières et la Haute Maurienne.
Dans
la chaîne de l'Épine - La Chapelle-du-Mont-du Chat,
Chanaz,
St Jean de Chevelu, Lucey, Col de Saint Michel - on continua d'extraire
la castinejusqu'au
XIXe siècle, calcaire ferreux utilisé comme fondant dans
les hauts fourneaux de Haute Savoie.
Toutefois
le site le plus célèbre est bien Saint-Georges -
d'Hurtières,
où depuis la nuit des temps on a exploité d'abord la chalcopyritepour
le cuivre, puis la sidérite pour le fer. Ce dernier minerai
était
fort apprécié des sidérurgistes pour sa forte
teneur
en manganèse (aide à la décarburation,
et à l'obtention d'acier), il alimenta du XVII au XIXe
siècle
les hauts fourneaux des Bauges (Les Aillons, Bellevaux), puis ceux
d'Epierre,
Argentine, Randens, Saint-Hugon, Aiguebelle - Pouilles. Pour les
qualités que leur conférait le manganèse, les
fontes
et minerais de Savoie étaient fort prisées des
aciéries
de Rives, d'Allevard, et de la Loire où l'on faisait
l'éloge
des fontes et des "aciers de Savoie", et ce fut d'ailleurs une marque
de
fabrique.

Extrait du
Journal des Mines
:
"...Le minerai
des Hurtières...
a une forte teneur en manganèse qui donne de l'acier
d'excellente
qualité", ..."il n'y a pas de meilleure gueuse pour faire
l'acier",
..." les aciéries de l'Isère, de Rives, de Haute Savoie
viennent
s'y approvisionner", ..."donne un acier aussi bon que celui de Styrie
et
de Corinthie"... " ( Lelivec de Trezurin.
"Mémoire
sur les mines de fer et les forges du département du Mont
Blanc".
Journal
des Mines, AN XIII Brumaire - vol. 17, mai 1806 - vol. 19, dec.
1806
- vol. 20.)
Localisation des
mines de
Haute Maurienne
Dès
le XVIIe siècle, en Haute Maurienne, on exploita des
gisements de sidérite (fer carbonaté spathique,
sidérose)
mêlée de cuivre et de manganèse
-
Mine
de Bissorte, au dessus d'Orelle
-
Mine de Monio dans la vallée du Charmaix
-
Mine du Freney
-
Le Grand Filon (1800m) est à 4 heures de marche du
Freney,
exploité du XVIIe à 1858, le grillage du minerai se
faisant aux Yvettes
-
Le Filon Neuf se trouve à 500 m de distance du Grand Filon
-
Les Voutes
-
Plan de Legraz
-
Mas des Cottes, au dessus de Plan Raffin
Teneur
:
Le
minerai du Grand Filon a une teneur en fer de 47%
et
rendait 40% à la fonderie.
Composition
:
protoxyde
de fer 0, 47
magnésie
0, 05
manganèse
0,11
eau
0, 25
Le
minerai était descendu à dos de mulets vers les hauts
fourneaux
de La Praz et de Fourneaux qui furent d'abord de type bergamasque -
méthode
fort coûteuse en bois - jusqu'à leur transformation
en fourneaux comtois vers 1830 (cependant fin XVIIIe
siècle
nombre de fourneaux d'affinage "à la bergamasque"
avaient
déjà été transformés en fourneaux
d'affinage
"à la franc-comtoise" ).
Ces
derniers fourneaux faisaient 8 mètres de hauteur et un
diamètre
intérieur de 1m80 au "ventre". Un jeu de trompes
donnait un vent de 40 cm de pression d'eau injecté par une buse
de 60 mm de diamètre à "l'oeil". 15 jours de
préchauffe
étaient nécessaires !
La
mesure
pour le charbon de bois était la "manne"
valant 40 à 50 kg, celle pour le minerai était la "benette"
valant
45 kg ; Une "charge"
était composée de 2 mannes de charbon pour 3 à 4
banettes
de minerai, suivant la température du fourneau.
En
1840
on fit des essais de fonte à la houille par la méthode
dite
"champenoise". Le coup d'arrêt définitif sera la faillite
des fonderies de La Praz et Fourneaux en 1858.
[ Biblio
:
DAYMONAZ.
Mémoire sur les mines
et les forges de Haute Maurienne. Annecy. 1858.
VERNEILH (Préfet). Statistique
générale de la France - Département du Mont Blanc.
1807.
BERTHIER, (P). Sur les minerais de
fer
appelés mines douces. Annales des Mines, IX, 1824,
p.825.
GUEYMARD, (E.). Sur le grillage
des minerais
de fer dans le departement de l'Isere. Annales des Mines,
3e
série, XVIII, 1840, p. 707. ]
Expérimentation de réduction de
minerai de fer au bas fourneau
St-Georges d'Hurtières (Savoie) |
!
|
S'il
vous arrive de passer par l'autoroute de Maurienne, ne manquez
pas
de rendre visite à Saint-Georges d'Hurtières et son
musée
: Le Grand Filon .
Le Grand Filon |
Sans entrer plus
avant dans
le détail (j'invite le lecteur désireux d'en savoir plus
à se référer à l'abondante bibliographie
que
je donne en annexe) on imagine la vie rude de ces hommes, des enfants
et
des femmes travaillant à la mine ou à la regraine, au
sort
lié à la montagne et à la mine, les accidents de
la
mine, la vie en vase clos en altitude et dans d'épaisses
forêts,
les conditions météorologiques, dans des cabanes de
mineurs dont subsistent à peine quelques pierres...
A visiter aussi : "Le
Sentier du Fer" à
Pinsot, au dessus d'Allevard (Isère)
voir page balades |

L'entrée d'une ancienne mine
(Vallée
des Huiles)...
L'aspect est peu
engageant,
l'eau suinte des parois, le sol est souvent innondé, ou la
galerie
s'est éboulée, pourtant il y a en Savoie quelques
passionnés
et des spéléos qui occupent leurs loisirs à
rechercher,
désobstruer et visiter pour en dresser un inventaire, les
anciennes
cavités creusées par l'homme.
Bibliographie récente : DURAND
Robert . ANCIENNES
MINES ET CARRIERES SOUTERRAINES DE SAVOIE. Editions BRGM , Ref : EDV-190. 2005.
> http://editions.brgm.fr/article.asp?reference=EDV-190
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